J'ai lu "Le Choeur des femmes"...
Publié le 20 Janvier 2012
Et je n'ai pas adoré.
Petit rappel de l"histoire : "Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de «Médecine de La Femme», dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit? Qu'il va m'enseigner mon métier? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas – et je ne veux pas – perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre."
Je ne dis pas que c'est un mauvais livre, et je l'ai d'ailleurs lu en moins d'une semaine.
Mais je n'y ai pas trouvé ce que je cherchais, ce qui me parlait dans cette quatrième de couv'.
En effet, on se doute très vite, avant même l'ouverture du livre si on a été conseillée par des copines et/ou qu'on connaît un peu le bonhomme *, que le Docteur Atwood va finir par être converti par le vieux Barbe-Bleue (qui ressemble comme deux gouttes d'eau à l'auteur.)
Je m'attendais à suivre ce cheminement, petit à petit, argument par argument, à prendre connaissance de résultats d'études, de faits scientifiques qui pourraient m'aider à démontrer à quel point ma démarche n'est pas érronée. **
Mais ce n'est pas l'approche choisie par l'auteur. Pour tout dire, je n'ai pas appris grand-chose de tangible, sauf deux-trois faits concernant la position à l'anglaise, la durée de vie des DIU au cuivre, (ça, j'ai noté très soigneusement, preuve que je progresse) leur pose, et la possibilité de faire le retrait et la mise en place du suivant en un seul rendez-vous. Mais pas grand-chose de très concret. J'ai été un peu déçue de ce constat, parce que je m'attendais à lire un débat passionné, avec des gens intelligents des deux cotés. Et vous savez que j'aime débattre ! :)
En revanche, la partie du livre qui, selon moi, a le plus de sens, et a d'ailleurs probablement donné au livre son titre, c'est le recueil de témoignages. Qui, je crois, sont tirés de vrais personnes, dans le vrai monde. Ils prouvent à quel point nous sommes toutes (et tous, dommage qu'il n'existe pas le même livre pour les hommes, comme d'ailleurs le souligne le livre) différentes. Mais ça, je le savais déjà . Quant à la morale du livre, je l'avais déjà "intégrée". Du moins, c'est l'opinion que j'ai de ce que devraient être les rapports médecin-patient. Donc, de ce coté-là, pas de vraie révélation non-plus.
En revanche, coté roman... C'est une autre paire de manches! Les ficelles sont énhauuuurmes, mais il y a de beaux rebondissements, et on est pris dans l'histoire presque malgré soi. Malgré un style d'écriture qui, s'il a le mérite de coller au réel (des phrase saccadées écrites comme on pense enfin comme moi je pense ben voilà c'est écrit un peu comme ça à des moments quand on est dans la tête de Jean), et de rendre assez clairement les pensées du personnage, sans fard, n'est pas ultra-clair. Et quelques trucs inutiles qui alourdissent l'ensemble et le rendent, à des moments, selon moi, un peu trash, ou un peu décousu. (Je n'en dis pas plus pour ceux et celles qui ne l'ont pas lu ...) Je crois que c'est parce que l'auteur a souhaité trop bien faire, trop tout aborder, et que le livre aurait gagné à se passer de ces petites digressions. Mais, c'est aussi pour ça, comme pour l'utilisation de ces ficelles un peu trop flagrantes, que j'ai aimé ce livre maladroit, mais sincère.
Tout comme la fin qui a déçu pas mal de personnes qui l'ont lu, ne m'a pas dérangée. C'est une histoire, un roman... Effectivement, c'est mélo (je crois que je ne dis rien d'important) mais ça fait quand même "bien fini", même si c'est un peu facile...
A signaler que, s'il ne donne pas tout à fait à mon sens assez d'infos qui peuvent servir à la majorité (des femmes, surtout, mais aussi des patients, finalement), ce livre aborde de façon assez longue le sujet les personnes intersexuées, et qu'il essaie de le faire d'un point de vue anatomique, d'un point de vue médical et d'un point de vue psychologique. Et là, en revanche, j'ai beaucoup appris. Rien que pour ça, ce livre a le mérite d'exister.
Dans l'ensemble, je conseillerai quand même ce bouquin, en tant que roman à des personnes qui ont déjà beaucoup pensé aux relations médecin-patient et qui savent ce qu'elles veulent et ne veulent pas, en tant que "munition pour réfléchir" à ceux et celles qui commencent cette réflexion et qui ont besoin de se sentir moins seuls, et, bien évidemment, à des personnes confrontées à l'intersexualité et qui ne savent pas comment réagir.
Mais je ne suis finalement pas sûre qu'il puisse toucher quelqu'un qui ne se sent pas concerné(e) par cette idée de la médecine...
Voilà tout ce que j'ai à en dire, lisez-le, ça sera plus simple ! :D
Au passage, si vous avez des idées de livres qui traiteraient plutôt du le débat entre ce qu'on peut appeler ( à la louche) la médecine gynécologique "courante" en 2011 et la médecine gynécologique "alternative" , je suis preneuse !
* Pour celles qui ne connaissent pas, l'auteur, Marc Zaffran, pseudo Martin Winckler, mériterait une note à lui tout seul, mais, en gros, il est partisant d'une médecine - gynécologique en particulier - qui s'inscrit dans une relation de confiance entre patient et soigneur, et qui n'impose rien - surtout pas des examens inutiles et désagréables. Forcément, lui, je l'aime !
**Encore une fois, chacun(e) fait ce qu'il-elle veut, et si vous êtes une femme qui va voir son gynéco tous les six mois et passe à l'examen sans problème, cela ne regarde que vous ... Mais en ce qui me concerne, je ressens ça comme une agression, et je refuse qu'on m'impose ça sans réel besoin.
-----------------------------------
Après rédaction de ma note, j'ai cherché sur le net quelques avis sur ce livre, et j'ai particulièrement aimé deux avis :
- celui d'Olympe (et les commentaires associées (attention certains commentaires en disent beaucoup trop si vous n'avez pas lu le livre) , qui font suite à ceci : "Au final, j'ai été agacée de cette description des femmes comme des êtres de souffrances, faibles et soumises aux médecins qui détiennent la science et le pouvoir" . Une discussion qui mériterait d'être développée, si j'ai le temps et que je n'oublie pas.)
- celui-ci (ATTENTION, IL REVELE UNE GROSSE PARTIE DE L'HISTOIRE !!!) pour ceci, en particulier :
"Le monde de l’obstétrique est singulier en ce sens qu’il est le théâtre d’une maltraitance ordinaire dont seules les femmes sont victimes et dont il est courant de minimiser l’importance. Le discours paternaliste du soignant et le sentiment de culpabilité qu’il est si facile de susciter chez une femme («Pensez à votre bébé») autorisent les gestes déplacés (touchers vaginaux non nécessaires et parfois brutaux), les paroles blessantes, les restrictions de libertés fondamentales (bouger, boire, manger, adopter la position dans laquelle on se sent le mieux, choisir son lieu d’accouchement) et des actes mutilatoires (épisiotomies ou césariennes abusives). Combien d’obstétriciens, face à une femme «récalcitrante et obstinée», restent sourds à la souffrance générée par le refus d’un accompagnement alternatif" ?
D'ailleurs, j'ai trouvé beaucoup d'articles qui m'ont paru très intéressants sur ce site, dont Naître en France du XVIIème au XXème siècle (Mia, tu vas aimer !). Il comporte aussi une bibliographie qui m'a l'air prometteuse !
Une de mes copinautes, Lila, l'a lu également suite à cette note, je vous encourage à lire sa critique ici !
A suivre, donc ! :)